Congrès européen de Psychanalyse
Bruxelles – 4 et 5 juillet 2015
Victime !
Comment y échapper ?
Jean-Daniel Matet
6e Congrès de l’EuroFédération de Psychanalyse
PIPOL 7
Cet argument développé reprend les axes qui organiseront le blog PIPOL 7
L’argument
Nom du symptôme ou de sa cause, « victime » est un signifiant à tout faire de la modernité consumériste. Victime du climat, de la pollution, de son voisin, de son travail, de l’amour ou de la haine. Issu du vocabulaire juridique ou médical, du vocabulaire militaire, il a envahi l’espace médiatique au nom du sensationnalisme dont il est friand. Ainsi, les victimes des retards du chemin de fer se confondent avec celles des accidents, celles de la situation économique avec celles des escrocs, sans oublier celles des catastrophes naturelles comme celles des conflits armés, ou encore des génocides. Plus insidieux, dans la sphère familiale, l’inceste comme les mauvais traitements, l’inattention comme le désamour, font aussi des victimes. Mais victimes et bourreaux, au-delà des jeux pervers sado-masochistes, sont aussi les écrans fantasmatiques des personnages de nombreuses représentations du cinéma, des séries ou de la littérature contemporaine. C’est cette veine qui apparaît la plus récurrente dans l’expérience analytique où se démontre que la répétition ne fait pas nécessairement destin.
Le signifiant « victime » emprunté au discours courant pointe une ambiguïté du rapport au réel qui peut être retrouvée dans le fantasme qui le voile ou dans une position revendicative liée à un préjudice. Utilisé dans les échanges sociaux contemporains comme équivalent d’effets subjectifs – n’y a-t-il pas dans chaque commissariat français un recours possible à l’aide aux victimes ? –, il brouille aussi les repérages de l’histoire ou de l’actualité politique où petits et grands événements confondent ceux qui en subissent les conséquences dans une victimisation généralisée.
Ceux qui ont subi dans leur chair les moments les plus dramatiques de l’histoire du monde nous ont appris que la position de victime n’était pas la meilleure réponse à ce qu’ils avaient vécu et l’ont pour cette raison souvent rejetée. L’expérience psychanalytique démontre que les solutions élaborées par ceux qui ont subi un préjudice majeur sont variables, à la mesure des solutions singulières que chacun peut élaborer pour faire face aux effets de la répétition qui ont constitué leur histoire.
La situation des différents pays européens, les discours sociétaux et politiques qui les traversent, exposent nos pratiques dans les institutions à rencontrer la méconnaissance ou l’hégémonie de cette catégorie de la victime, ainsi que les solutions singulières que l’orientation lacanienne nous permet de soutenir.
À contre-courant des thérapies cognitivo-comportementales qui promeuvent la figure de la victime pour mieux soutenir leur furor sanandi, l’expérience de la psychanalyse dégage un espace où le fantasme, comme masque de la répétition, débouche possiblement sur un traitement du réel en jeu. Ce sont ces questions qui seront l’enjeu des travaux de PIPOL 7. Nous espérons vous y retrouver.
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