La cause de l’Autisme : Pratique à plusieurs et transfert : paradoxe ?

La cause de l’Autisme : Pratique à plusieurs et transfert : paradoxe ?

Pratique à plusieurs et transfert : paradoxe ?

Pour ce rendez-vous du CERA, Guy Poblome interviendra sur la question « Pratique à plusieurs et transfert : paradoxe ? », avant des échanges cliniques avec Juliette Parchliniak et Françoise Baudoin.

> Guy Poblome est psychanalyste membre de l’ECF, directeur thérapeutique de l’Antenne 110 (Belgique).
> Juliette Parchliniak est psychologue en hôpital psychiatrique à Bruxelles ; elle a été intervenante à La Soucoupe.
> Françoise Baudoin est enseignante, trésorière de La Main à l’Oreille, mère de Zoé, accueillie au CTR de Nonette depuis 2006.

Infos pratiques
Samedi 11 janvier 2020, de 10h précises à 12h
Accueil à partir de 9h30
Ecole de la Cause freudienne
1 rue Huysmans, Paris 6e
Informations et inscriptions : cerautisme2017@gmail.com

Prochains rendez-vous les samedis matins 29 février, 21 mars, 25 avril et 20 juin, sans oublier la journée du CERA, le samedi 16 mai.
Découvrir et télécharger le programme complet en cliquant ici.

Le Centre d’études et de recherches sur l’autisme (CERA) est une création de l’École de la Cause freudienne. Il a pour vocation l’enseignement et la recherche sur l’accueil et l’accompagnement des sujets autistes. Il vise à mettre en lumière les perspectives nouvelles qui, plutôt que d’imposer des conduites hypernormatives et homogénéisantes, font une place aux sujets autistes et accueillent leur singularité. Il soutient le libre choix des méthodes d’accueil et d’accompagnement des autistes. Les psychanalystes y donnent témoignage de l’enseignement unique issu de leurs rencontres avec des enfants ou des adultes autistes. Ils y dialoguent avec des autistes, des parents et d’autres praticiens.
Le CERA propose un enseignement mensuel uniquement à Paris, à l’ECF, et une fois tous les deux ans une Journée d’études.

Le CERA a tenu sa première Journée en mars 2018, sur le thème AUTISME ET PARENTALITE. La seconde journée aura lieu le 16 mai 2020 à Paris sur le thème AUTISME ET LIEN SOCIAL.
Les praticiens, les parents, les sujets autistes qui ne se reconnaissent pas dans le discours ambiant qui vise une hypernormativité, peuvent, au CERA, faire entendre leur voix.

La cause de l’Autisme : Première Journée du CERA

La cause de l’Autisme : Première Journée du CERA

Première Journée du Centre d’études et de recherches sur l’autisme (CERA) 10 mars 2018, Paris

 

La création du CERA a eu lieu durant l’été 2017, suite au lancement du 4ème Plan autisme par le gouvernement français. Il répond à la « nécessité d’un moment épistémique et politique », a déclaré Christiane Alberti, lors de l’ouverture de la journée. « Le champ de l’autisme est devenu le haut lieu d’une bataille entre des modes de savoir bien différents », rappelait Eric Laurent, dans La Bataille de l’autisme[1]. Les psychanalystes s’engagent ainsi, avec et auprès des parents et des sujets autistes, dans ce qui est devenu une cause, celle de l’autisme ».

En choisissant pour thème de la première journée du CERA « Autisme et parentalité », la psychanalyse non seulement reconnaît la place des parents en tant que partenaires incontournables dans le travail engagé avec les sujets autistes, mais donne également une place à leur savoir, issu d’une

expérience singulière avec leur enfant.

Cette cause est soutenue « à plusieurs ». Un nouage peut dès lors se tisser entre ces différents partenaires et leurs savoirs, qui enrichit l’élaboration d’un travail permettant à la singularité de chacun de se déployer, respectant et accueillant les trouvailles des sujets eux-mêmes. C’est ce dont témoignent parents et psychanalystes tout au long de cette journée. La parole est un acte. Elle se décline en plusieurs axes : institutions, école, débat public. Les psychanalystes s’intéressent eux aussi à ces axes de la parole rappelle Jean Robert Rabanel.

 « Se faire partenaire en institution » est la première table de la matinée. Les intervenants, parents, (Françoise Baudoin) et psychanalystes (Dominique Holvoet et Daniel Pasqualin), démontrent l’importance de ce nouage pour que le travail du sujet puisse être possible. C’est dans cette rencontre que le transfert se noue et que s’amorce le lien particulier de l’institution avec l’enfant et ses parents. Chacun des intervenants témoigne de la fonction singulière de ce partenariat, ouvrant de nouvelles perspectives et faisant émerger des inventions qui lui permettent  de mieux faire avec ses impasses. Pas les uns sans les autres.

Christiane Alberti et Bruno de Halleux dialoguent ensuite avec Jacqueline Léger à propos de son livre Un autisme qui se dit…Fantôme mélancolique. Sa famille était nombreuse, « une chance », dit-elle. Mais surtout elle parlera de l’importance décisive de sa fratrie, car ses frères et sœurs « l’habillaient ». Interrogée par les psychanalystes, elle parle également de la relation avec sa mère. Celle-ci lui a offert un jour un petit carnet, « secret » car petit selon elle. Ce cadeau de sa mère a été comme une « invitation à l’écriture ». L’écriture la « désencombrait ».

« Faire école » relève d’un pari. Comment faut-il que l’école se transforme pour accueillir ces enfants et leur permettre d’ouvrir leur horizon aux autres savoirs ? Comment permettre aux enseignants de transmettre leur désir de savoir ? A quelles conditions faire école pour l’enfant autiste, afin qu’il puisse s’y inscrire, comme tout un chacun, y inscrire sa singularité et qu’elle soit reconnue ? Valérie Gay-Corajoud, mère de Théo, témoigne de la solution trouvée pour ouvrir à son fils un horizon aux savoirs d’une manière qui lui ressemble. Un psychanalyste, Yves-Claude Stavy, et un enseignant, David Marec, abordent, chacun de sa place, ce qui a été au fondement du pari de l’IHSEA[2]: préserver la singularité, les inventions de chacun qui lui permettent de circuler dans le monde et de « rendre la chose scolaire possible ».

« Se faire parent » La question Comment se faire parent d’un enfant autiste ?déplace la perspective du comment il faut être ou il faut faire de bons parents vers un se faire parent qui s’invente. (Myriam Chérel).

Les témoignages des parents d’enfants dit autistes nous apprennent comment combattre cet il faut pour faire avec le réel ineffable de leur enfant. Chacun a exposé son expérience existentielle à travers laquelle il s’est fait parent. L’expérience d’être vidée du savoir face à son enfant autiste pour Mireille Battut[3], pour qui se faire mère consiste à reprendre en décalé le savoir dont elle s’est vidée et à consentir à ce bricolage : enregistrer son fils jouant du piano, puis entendre les effets de cela sur lui (Alexandre Stevens).

L’expérience de prise de parole pour Fabrice Bonnet [4], médecin expert dans une commission de la HAS[5], pour dire haut et fort son désaccord avec l’affirmation qu’il n’y a pas de souffrance dans l’autisme et qu’il n’y avait donc rien à faire, cet acte de parole lui a valu nombre de critiques. Pour lui, être père, c’est prêter attention à la souffrance de son enfant.

Pour Marc Langlois, être père c’est d’abord aller à la rencontre de son enfant pour lui-même, et pour personne d’autre, puis accepter la répétition chez son fils pour permettre l’invention. Tel que garder un petit Boeing à la main pendant les douze heures de vol d’avion Boeing.

L’énonciation de ces parents est inoubliable.

Jean-Claude Maleval présente une recherche rigoureuse pour comprendre d’où vient l’idée qui court dans les médias que les psychanalystes culpabilisent les parents. Il en démontre les contradictions et conclut que la culpabilité des parents est arrivée par la proposition des traitements éducatifs, qui devraient être administrés à l’enfant autiste 40 heures par semaine, dont les coûts sont très élevés, et auxquels la famille doit participer. Le président de la HAS se plaignait en 2012 de l’absence d’études scientifiques concernant les méthodes psycho dynamiques. Trois sont maintenant disponibles. Toutes mettent en évidence des effets positifs concernant la prise en charge d’enfants autistes.

Eric Laurent apporte une recherche sur un  néologisme, la parentalité, Signifiant maître du XXI s. qui participe de « la société capacitaire » qui normative les autistes. Il analyse les changements dus aux efforts réalisés ces dernières années par les associations des parents, dans les textes en préparation au 4e Plan autisme : « Mettre l’accent sur la parentalité, c’est pour nous mettre l’accent sur l’invention ».

L’invention du CERA continue au point que personne ne sait ce que sera le CERA, reconnaît Gil Caroz, président de l’ECF, en conclusion de la journée.

 

Adela Bande Alcantud et Claudia Vilela

[1] Laurent Eric, La bataille de l’autisme. De la  clinique  à la  politique, Paris, éd Navarin, édition actualisée 2018

[2] Institut Hospitalier de Soin et Etude pour Adolescents.

[3] Présidente-fondatrice de l’association La Main à l’oreille (2012).

[4] Membre de l’association RAAHP, Rassemblement pour une approche de l’autisme humanitaire et plurielle (2014).

[5] Haute Autorité de santé, organisme qui légifère sur les bonnes pratiques avec les autistes en France.

La cause de l’Autisme : Conversations autour du Forum et sa politique

La cause de l’Autisme : Conversations autour du Forum et sa politique

Conversations autour du Forum et sa politique

Neus Carbonell et Iván Ruiz

Après l’enfance Autisme et politique
For um internacional sur l’autisme
7 de avril 2018, Barcelone, Espagne.

IVÁN RUIZ: Pour le 3ème   Forum Autisme organisé par l’Ecole lacanienne de Psychanalyse (ELP), nous avons choisi un thème fondamentalement politique: Que deviennent les autistes au-delà de l’enfance, à l’adolescence, à l’âge adulte?

NEUS CARBONNEL: En fait, c’est une question fondamentalement politique, bien qu’elle puisse sembler d’une autre nature. Elle est d’abord politique, car elle met en évidence les processus de ségrégation au cœur de notre société. Ainsi, il est courant de trouver des programmes et des ressources pour les enfants qui ont reçu un diagnostic d’autisme. En fait, nous constatons que l’intérêt pour l’autisme pendant l’enfance ne cesse de grandir. Cependant, lorsque ces personnes atteignent l’adolescence, et certainement à l’âge adulte, il n’y a pas de discours qui les accueille. Ce qui implique que ce que la société peut offrir à ces personnes et à leurs familles est franchement limité.

Le diagnostic, les programmes qui existent, les ressources, la présence sociale se réfèrent presque exclusivement à l’enfance. Alors, quand et où parlons-nous de l’autisme à l’âge adulte ? Par conséquent, notre forum veut répondre exactement à la question que vous vous posez : ce qui se passe avec l’autisme au-delà de l’enfance. Nous avons quelques idées à partir desquelles nous proposerons un programme, mais nous espérons que ce forum nous permettra tous ensemble de répondre à cette question sous de multiples angles. Par exemple, du point de vue du diagnostic, des médicaments, de la clinique, des ressources sociales, bref, des projets de vie existants que la société est capable d’offrir à ces sujets et à leurs familles. Toutes ces questions sont politiques parce qu’elles mettent en avant le modèle de société que nous voulons. Elles ont trait à l’éthique, à la loi, à la distribution des ressources.

NEUS: Nous avons soulevé une première question: L’autisme infantile est défini en psychiatrie en suivant les manuels plus utilisés comme le DSM, à partir de certains items, de sorte que l’autisme est donc diagnostiqué à partir de tests. Cependant, je ne suis pas sûre, en ce qui concerne l’autisme, que ces tests puissent être mis en œuvre après la puberté. Qu’en penses-tu? Quels changements introduit la puberté qui modifie la définition de l’autisme dans l’enfance?

IVÁN: C’est vrai, la puberté fait exploser les meilleures volontés de ceux qui paraissaient pouvoir être inclus, insérés dans un test fiable de TSA, même chez ceux qui avaient été diagnostiqués autistes. Je dirais plus, la puberté dans l’autisme est souvent prégnante pour les professionnels mais surtout l’est pour les familles. Ce qui pouvait aider cet enfant, si ça fonctionnait avant, ça ne fonctionne plus maintenant. Face à cela, l’insistance et acharnement de l’adulte échouent. Il faut alors inventer d’autres manières.

Les tests de diagnostic sont conçus sur la base d’une idée de la normalité, de ce qu’est un enfant « normal », un enfant qui devrait devenir un adulte à part entière. Lorsque le passage à travers la puberté rend évident que le noyau autistique qui résiste chez cet adolescent ne semble déjà plus modifiable, alors les idéaux du futur chutent, les attentes sont réduites et nous ne pouvons plus regarder ailleurs, l’ignorer.

Il est vrai  que certains adolescents autistes ont conquis une stabilité qui leur permet de faire face, par exemple, aux changements de leur corps, à leur image et à leur façon d’obtenir satisfaction. Mais pour d’autres, cependant, tout cela échoue encore et encore, ou leur façon de faire sans identification à une image de l’adolescence est insupportable pour les adultes qui sont avec eux.

NEUS: Jean-Pierre Rouillon (CTRN de Nonette) faisait justement remarquer, dans une conférence qu’il a donnée cette année à Barcelone, que la sexualité est la façon dont certains humains traitent l’irruption de plaisir dans leur corps. Que cela est un des éclatements de la puberté. Les personnes autistes sont des sujets qui n’ont pas à proprement dire, une « sexualité » pour faire face à ce plaisir qui fait irruption et certains sujets doivent alors recourir à d’autres façons de traiter cela. Cette façon de poser la question est franchement intéressante. Tout d’abord, prendre la perspective de la jouissance suppose de partir de l’idée qu’il n’y a pas une  forme de jouissance meilleure que d’autres. Donc, l’autiste n’est pas en déficit devant une supposée normalité. Mais en tout cas, c’est plus difficile pour lui, puisqu’il ne peut pas recourir à des solutions de prêt-à-porter et qu’il lui faut en construise une sur mesure. Demandez ce qui se passe au sujet de la puberté ? Les difficultés de la vie dans un corps qui exige à être satisfait ? Il faut comprendre qu’il n’y a pas moyen d’atteindre l’âge adulte avec une certaine stabilité si l’autiste n’a pas trouvé un moyen de faire avec cela, de faire avec le monde de manière assez cohérente qui lui permette d’avoir de quoi et où se soutenir. Par conséquent, à ce stade, les crises subjectives peuvent vraiment être dévastatrices. Ici aussi nous pouvons voir pourquoi ces gars-là qui avaient été plus ou moins réceptifs dans l’enfance aux techniques rééducatives, peuvent entrer dans des crises graves, étant donné que ces techniques ne leur servent pas à faire face à ce qui se passe dans leurs corps.

IVÁN: C’est un problème fondamental car, pour beaucoup d’adolescents, les techniques de rééducation ne peuvent pas être appliquées sans coercition. Il y a une volonté de fer à vouloir remplacer les comportements « inadéquats » que l’enfant a, par ceux que l’adulte veut qu’il aie. Il n’est pas possible de penser que le sujet peut s’approprier les ressources que l’adulte lui offre, si on l’oblige à le faire. En s’opposant, il se défend face à cet écrasement. Mais il y a autre chose. En admettant que la réduction et l’imposition de l’adulte sur le sujet fassent ipso-facto disparaître sa position défensive, comme tout serait plus facile s’il pouvait alors accepter l’adulte comme un point de référence dans le monde… Hélas ! Le problème est que la personne autiste incorpore une réponse défensive à ce qui lui arrive dans le corps, s’infligeant par exemple la douleur sur celui-ci, et la généralise à toute imposition qui vient des gens autour de lui (l’annonce de l’achèvement d’une activité), de l’environnement (le soleil) ou de votre propre corps (la sensation de faim ou un mal de ventre), pour mentionner quelques situations courantes. Compte tenu de cela, notre marge pour les aider est réduite. Et ce qui est certain, c’est que plus il y aura d’imposition de la part de l’adulte, plus l’autiste s’auto-imposera cette douleur sur son corps.

NEUS: Je veux ajouter encore plus. Alors que les inventions que le sujet peut réaliser sont fondamentales, nous ne pouvons pas oublier que ces solutions peuvent être aux yeux des autres assez modestes, et même les plus incompréhensibles au bon sens. Nous devrions toujours garder à l’esprit que lorsque nous désignons l’invention, nous ne pouvons pas nous référer uniquement à ceux qui jouissent d’un prestige social, par exemple l’autiste qui parvient à devenir un bon musicien. Parfois, leurs inventions sont des plus étranges : le garçon qui se soutient par des questions impossibles à répondre et insistantes, ou celui qui s’accompagne des affiches et de la musique des films de Disney. De plus, les solutions trouvées ne sont jamais définitives. Elles n’atteignent jamais la valeur d’une métaphore du corps qu’elles éprouvent. C’est pourquoi elles doivent être répétées à maintes reprises, ce qui implique que ceux qui accompagnent l’autiste doivent être disposés à la répétition inlassable et jamais définitive de la solution que l’autiste semble avoir trouvée, qui reste parfois, extraordinairement fragile.

IVÁN: Ce n’est pas la moindre des choses que tu abordes-là ! Il est très important de le souligner.

NEUS: Oui. Cela implique que pour ces sujets, il doit y avoir des partenaires qui sont disposés à les accompagner. Cela n’est possible que grâce à un travail clinique très cohérent. Il n’est pas sûr du tout que cela soit garanti pour eux. Pour cette raison, trop souvent, le traitement chimique vient à la place, pour couvrir l’échec des traitements imposés  et l’agressivité des adultes envers ces sujets – entendue dans certaines institutions, en particulier résidentielles – en réponse à ce qu’ils ne peuvent pas supporter, ni eux ni la direction clinique de l’institution.

IVÁN: Justement, nous souhaitons discuter de la question de l’agressivité dans ce forum. Pour cette raison, nous croyons également que c’est un forum fondamentalement politique. L’âge adulte soulève quelques difficultés qui sont incluses dans la Convention sur les Droits des personnes handicapées, approuvée par l’ONU en 2006. Il a été reconnu l’importance de donner à ces personnes « la possibilité de participer activement aux processus de prise de décision, sur les politiques et les programmes, y compris ceux qui les concernent directement ».  Dans le cas de sujets chez lesquels leur autisme les empêche de revendiquer ce droit, comment valorisons-nous ce qui est le mieux pour un adulte autiste non-verbal si ses modes de réponse ne sont pas souvent ce que nous sommes capables d’écouter?

NEUS: Qu’attendons-nous de ce forum?

IVÁN: Avec ce Forum, nous cherchons à rendre visible une réalité qui désespère et dépasse les familles, qui met les institutions et les professionnels qui y travaillent face au mur, et qui est dans l’actualité, politiquement, sans formalisation. Nous voulons donner la parole à l’angoisse, qui n’a pas actuellement de moyens de traitement, pour se dire. Et convoquer nos politiques pour prendre la mesure de ce qui est en jeu et de ce qu’il reste à faire.

Les psychanalystes sont en mesure de développer un discours sur ce qui se passe au-delà du diagnostic de l’autisme, qui est si fréquent de nos jours. Une fois que le sujet autiste a traversé la puberté ou atteint l’âge adulte, cela peut prendre différentes formes pour y répondre, à son autisme, à son être autiste – comme je t’ai entendu le dire une fois, au sujet du syndrome d’Asperger – dans l’autisme, ou  dans la schizophrénie, ou dans la déficience cognitive aussi, en bref, dans le mode de stabilisation opéré par chaque sujet.

Nous aurons la présence de psychanalystes du monde entier, membres de l’Association mondiale de psychanalyse, ainsi que de professionnels qui soutiennent leur travail dans le domaine de l’éducation, de la santé mentale, des institutions de jour et résidentielles, et des  familles. Qui connaissent de première main les limites auxquels l’adolescent ou adulte autiste est confronté.

 

TRADUCTION: MARIANA ALBA DE LUNA

REVISION: MIREILLE BATTUT

La cause de l’Autisme : Séminaire européen sur l’autisme à Saragosse

La cause de l’Autisme : Séminaire européen sur l’autisme à Saragosse

Séminaire européen sur l’autisme à Saragosse Une mobilisation exceptionnelle de familles et de professionnels

Par Dominique Holvoet

Dans le numéro 698 de “Lacan Quotidien” Bruno de Halleux annonçait la tenue d’un Séminaire européen sur l’autisme à Saragosse du 28 au 30 septembre 2017. Il vient de s’achever avec succès. L’originalité du projet tenait à ce que l’initiative rassemble familles de personnes autistes et psychanalystes. Jesús Sebastián, Gracia Viscasillas et Pedro Gras, membres de l’ELP ont gagné, avec les familles de Teadir Aragon, leur pari ! Près de 500 participants étaient au rendez-vous au Teatro de la esquina dans un ensemble flambant neuf bâti sur le domaine de l’ancien asile, sauvegardé de la voracité immobilière par la pression sociale des mouvements de quartier. La Plaza de la Convivencia est ainsi devenue un grand espace civique convenant particulièrement pour notre rencontre.

Le Séminaire a reçu l’appui de la Commission européenne, dans le cadre d’un projet Erasmus+, déposé par des institutions du Champ freudien de cinq pays européens : Fundación Atención Temprana, Torreon et Patinete en Espagne, Le Courtil et l’Antenne 110 en Belgique, l’université de Rennes 2, Nonette, la Fondazione Martin Egge en Italie et l’Association « Enfant et Espace » en Bulgarie. Les associations de familles, d’amis et de personnes autistes étaient également sur le pont : des représentantes de différentes antennes de TEAdir ainsi que de la Main à l’Oreille France et Belgique se sont exprimées pour soutenir une approche de la personne autiste qui prenne en compte sa subjectivité et accueille ses inventions.

Le Séminaire se tenait sur 3 jours. Une première journée a rassemblé les promoteurs du projet afin d’échanger sur les pratiques de chacune des institutions en dialogue avec les familles. Le label de “bonnes pratiques” fut d’emblée contrarié par l’évidente nécessité d’offrir au sujet autiste un accueil ouvert à ses inventions. Nous avons fait le constat que partout en Europe les pratiques devraient se soumettre à la validation de l’Evidence Based, tout en constatant de concert que cette sémantique de l’union était interprétée de façon variée selon les pays, voire selon les régions – sauf dans les pays au pouvoir centralisé qui impose sans nuance ses options. Nous avons considéré avec réalisme ce que l’application de pratiques protocolisées déterminées par avance, car fondée sur des données factuelles, pouvait provoquer de ravages auprès des sujets autistes. La formule de Maria Jesús Sanjuan, présidente de Teadir Aragon, a résonné au long du séminaire et fut encore rappelée le troisième jour par Carlos David, jeune homme autiste participant : ce que les techniques du comportement requiert de l’autiste peut s’équivaloir à demander à un invalide de se lever de sa chaise roulante. Ils ne s’aperçoivent pas que “beaucoup d’autistes ont des sérieuses difficultés avec la corporalité, même si aucun de ses membres n’est affecté”.

Le deuxième jour était ouvert à un large public convié au Teatro de la esquina. Des familles, des professionnels, de nombreux étudiants étaient au rendez-vous pour entendre 10 heures durant des interventions de psychanalystes, de professionnels travaillant au côté de sujets autistes, de familles et d’acteurs politiques. La directrice de l’Observatoire Autisme de l’Euroférération de Psychanalyse, Vilma Coccoz, ponctua la journée par un exposé reprenant une à une les interventions afin de montrer par les multiples récits rapportés, à quel point l’approche analytique offrait au sujet autiste, enfant comme adulte, une série d’options parmi lesquelles il pouvait opérer un choix. Il ne s’agit pas ici de résumer les multiples interventions mais d’indiquer l’axe de réflexion qu’a offert cette journée qui fut une conversation continue entre les familles, les sujets autistes et les professionnels. Ce n’était pas le lieu pour une élaboration clinique, une construction de cas ou l’épistémologie de la causalité psychique, ce n’était pas un Séminaire d’études psychanalytiques – qu’il convient par ailleurs de poursuivre et soutenir largement dans toute l’Europe. Il s’agissait à Saragosse que chaque partie impliquée dans la préoccupation de l’avenir des sujets autistes puisse s’écouter, entendre particulièrement ce que les mères – les pères se sont fait discrets – ont à nous dire : il faut changer le regard sur l’autisme !

Il s’agit de contrer l’ambiance utilitariste de l’époque – une existence n’a pas besoin d’être utile pour se justifier, indiquait Jean-Pierre Rouillon. Nous travaillons avec des sujets qui ne peuvent travailler car leur travail est de construire le monde, le réinventer tous les jours et témoigner de la beauté des choses. Ces sujets plus que d’autres nous apprennent à prendre la mesure de ce qu’est l’homme. Et Francesc Vilá de ponctuer : “la chronicité n’est pas le dernier mot”.

Le Dr Jean-Robert Rabanel, souligna le ton de modestie et de force de ce Séminaire. “Personne n’a le savoir qu’il faut pour l’autisme, la modestie s’impose donc et les différentes parties ont leur partition à jouer : professionnels, parents, autistes eux mêmes, institutions et isolés”. Il a souligné que le Champ freudien a le premier soutenu les initiatives institutionnelles du Ri3, que l’ECF s’est à sa suite engagé dans la bataille de l’autisme, il a souligné le rôle de l’Institut de l’enfant dans l’Université Populaire Jacques Lacan et enfin a annoncé la création toute récente du CERA, le Centre d’Etudes et de Recherches sur l’autisme. L’accueil du sujet autiste ce n’est pas seulement dans le cabinet ou l’institution, c’est dans la langue de l’Autre qu’il s’accomplit.
Le troisième jour nous nous sommes retrouvés entre promoteurs du projet avec d’autres partenaires institutionnels et d’associations de parents afin de dessiner les contours de l’événement et de réfléchir à la suite à y donner. Erich Berenguer, président de l’ELP, Vilma Cocoz directrice de l’observatoire sur l’autisme ainsi qu’Andres Borderias, responsable de la fondation pour la clinique lacanienne en Espagne nous ont rejoint.

Quelle(s) réponse(s) apporter aux différents plans autisme mis en œuvre dans chaque pays ? La France en est à son 4è plan. L’Espagne élabore un premier plan dont on sait qu’il sera balisé par l’evidence based practice appliquée tant au domaine de la santé que de l’éducation – les deux domaines tendent de fait à se conjoindre dans le surmoi contemporain où l’exigence d’une bonne santé mentale appliquée à tous rejoint la volonté d’établir des conduites adéquates à l’aide de méthodes éducatives conformes. Mais c’est oublier la leçon freudienne de l’éducation et du traitement comme deux métiers impossibles ! La fureur de guérir dont Freud requérait de se départir tout comme les recettes éducatives qui par nature ignore le transfert s’unissent pour dire au paralytique : lève-toi et marche !  La question soulevée alors par Frances Vila fut de savoir la place à faire à l’incurable. L’evidence c’est ce qui insiste et n’a pas de solution – ce que nous appelons le réel. Avec nos repères, notre clinique du symptôme et notre éthique du sinthome, nous avons les outils à la fois conceptuels et pragmatiques pour répondre à l’énigme que l’autiste pose au monde. Dans ce mouvement s’inscrit aussi le souhait de réintroduire les malades comme citoyens – cela est cohérent avec la position freudienne. Mais à nouveau la novlangue européenne qui promeut l’inclusion peut être entendue de multiples façons dont la plus violente se retourne le plus souvent sur le malade déclaré indocile au traitement.

Pour faire entendre une approche qui fait place à l’indocilité, Chiara Mangiarotti a insisté sur l’importance de parler avec les familles. En Italie il n’y pas d’association de parents qui ne soient pas sous le label TCC. Comme en France, beaucoup est demandé à l’école publique pour traiter les autistes où les méthodes comportementales sont plus aisément applicables.
Les échanges ont mis en évidence la stérilité d’un débat opposant deux méthodes. La psychanalyse n’est d’ailleurs aucunement une méthode, l’inconscient est éthique, ce qui veut dire qu’il y a là un choix, une orientation, une tendance qui relève au final du goût de chacun. Une mère italienne témoigne que son fils a bénéficié favorablement de la méthode comportementale…  jusqu’à la limite où il voulut être reconnu en tant qu’homme. Mariana Alba de Luna a insisté pour que l’on respecte le choix des parents qui ont opté pour des méthodes éducatives – mais ce n’est pas la psychanalyse qui attaque ces méthodes mais les TCC qui cherchent à éradiquer l’approche analytique. Une mère espagnole a souligné que cette fois les parents n’étaient pas invités mais partenaires et associés au projet. « L’approche analytique a ouvert pour moi plus qu’une fenêtre, tout un monde. Mais constituons-nous un danger pour qu’on nous tiennent à distance ? L’instrument perd de sa force si chacun reste de son côté ».

Il nous faudra penser comment prolonger cette conversation continue avec les familles. Comme je l’ai souligné à plusieurs reprises il ne s’agit pas de céder à la transparence absolue de l’époque car elle consacre la disparition de l’intime. Non pas que tout pourrait alors se dire, se voir et se savoir mais au contraire que plus rien ne sera accessible de l’objet indicible mis au jour par Freud et qui fonde la singularité de chacun.

Si l’on cède à ce mirage, alors oui le totalitarisme aura changé de camp. Il est tombé à l’Est le jour où je suis devenu père mais ne renaît-il pas de ses cendres sous d’autres formes à l’Ouest, comme nous le prédisait en 2000 un collègue arménien ? L’événement Saragosse fut une expérience d’Ecole m’écrit à l’instant Gracia Viscacillas. Nous sommes là pour préserver la découverte freudienne avec Lacan et il y a plusieurs voies pour y parvenir : l’analyse, la sublimation et la conversation.

01/10/2017

Publié dans Lacan Quotiden n°743 le 6/10/2017

La cause de l’Autisme : Exposition de Michel Loriaux

La cause de l’Autisme : Exposition de Michel Loriaux

Exposition de Michel Loriaux : « Seul avec les autres »

Dans le monde singulier de l’adolescence en difficulté psychique

par Frédéric Bourlez

Notre vingt et unième siècle commençant ne peut que constater une progressive pénurie de lieux d’accueil spécialisés dédiés à des jeunes gens en difficulté. Certains parmi eux ne font pas usage de la parole pour se faire comprendre. D’autres sont submergés par des torrents de verbiage qu’ils peinent à ponctuer. Leur rapport au corps, au langage, à l’angoisse, au lien social est à pacifier, sur la longueur. Il leur devient, après de longs mois voire des années de travail préliminaire, en institution de soins, envisageable de s’apaiser quelque peu pour construire un abord plus supportable du monde.

Au loin, l’horizon ne semble pas être plat. Entre les arbres de la forêt, bras-dessus, bras-dessous, ou pas, se baladent, selon un inimitable déhanché, quelques silhouettes atypiques.

Un moment de calme, d’apaisement, dans un silence empli de clairière. Des intervenants cliniciens accompagnent en promenade un groupe de jeunes gens un peu spéciaux. Et tous semblent ravis de cette aventure conjuguée, de ce partage de savoir et de saveurs !

Dans la pratique clinique, au quotidien, chaque intervenant est conscient des possibles effets intrusifs du regard. Cette exposition témoigne, au contraire, d’un regard apprivoisé, bienveillant, aidant à la construction d’une image de soi,  et démontre la possibilité d’intégration pacifiée de l’artiste au dispositif clinique : « Einstellung », se situer à bonne distance de ce que l’on montre, avec le bon réflexe, la bonne optique.

 

Comme l’écrivait Raymond Depardon dans « Errance » : « La signature du regard est une affaire intime ». Et Michel Loriaux n’y déroge pas.

https://www.mloriaux.be/

http://www.la-porte-ouverte.eu/

http://www.lalibre.be/lifestyle/sorties/l-univers-des-autistes-c-est-etre-seul-avec-les-autres-59c8c662cd70129e418bbec8

La cause de l’Autisme : Séminaire Européen

La cause de l’Autisme : Séminaire Européen

Séminaire Européen d’échange sur le travail

avec les enfants et jeunes atteints de TSA

Les bonnes pratiques dans le travail avec les enfants et les jeunes atteints de TSA

 

I. Une pratique qui convient au sujet
L’objectif principal de ce séminaire est de prendre comme point de départ, l’exposition de différentes pratiques et expériences développées au sein des organisations participantes, afin de définir la spécificité de leur approche clinique et d’établir les éléments, communs ou spécifiques à chacun d’entre eux, qui peuvent être considérés comme des « bonnes pratiques » dans le travail d’accompagnement avec les enfants et les jeunes atteints de TSA.

Dans l’état actuel des connaissances et des résultats de la recherche scientifique liée à l’autisme, il est conseillé d’adopter dans le travail avec les enfants et les jeunes atteints de TSA, une position prudente et d’opter pour des réponses établies dans un consensus entre les professionnels et les familles. Après plus de cinquante années de recherche, les découvertes –que ce soit sur les causes, la présence et la progression des symptômes ou sur les traitements- restent très limitées. Cette précaution et engagement pour le dialogue, ne sont pas contradictoires avec les progrès de la science dont les travaux s’orientent de plus en plus vers l’affirmation des causes multifactorielles : génétiques, épi-génétique, biologiques, environnementales─ et diverses autres causes caractérisées par la plasticité neuronale et en lien avec la singularité de chacun.


Des rapports récents sur les « bonnes pratiques cliniques » (1) sur l’autisme, indiquent qu’actuellement il n’y a pas une « bonne pratique » en ce qui concerne le soutien ou le traitement psychosocial des enfants atteints de TSA. A la différence du traitement de certaines maladies qui relèvent du domaine de la médecine, actuellement il n’existe pas de preuve scientifique telle pour pouvoir établir de recommander à tous les enfants atteints de TSA un traitement unique et en assurer l’efficacité. De même, les études réalisées à ce jour, qui cherchent démontrer l’efficacité d’un seul type de traitement, souffrent d’un certain nombre de biais méthodologiques qui limitent grandement la pertinence de ses résultats.

L’approche clinique des organisations participantes au Séminaire européen, ont en commun une position éthique qui constitue la base de leurs stratégies thérapeutiques et l’idée que l’enfant autiste est un « sujet » à l’œuvre. Ce qui implique un respect absolu de leur singularité et par conséquent, une approche individuelle du cas par cas basé sur l’accompagnement et la collaboration entre l’enfant et l’adulte partenaire qui tient compte des préférences, des choix, des inventions et des solutions trouvées par l’enfant lui-même.

Ce respect et cette considération pour le caractère unique de chaque enfant et de chaque intervenant, considéré comme la marque d’un style personnel, est le moteur du travail avec l’enfant et à partir de quoi, nous développerons ce qui peut être reconnu comme « des bonnes pratiques », des pratiques qui seront les mieux indiquées pour travailler ce qui est en jeu pour l’enfant autiste.

À la lumière de cette approche de départ, nous travaillerons sur les différents aspects qui peuvent être promus comme étant des bonnes pratiques dans le travail avec les enfants et les jeunes autistes et avec leurs familles : la fonction de l’accueil dans les institutions qui travaillent avec les enfants et les jeunes autistes, condition préalable pour qu’un traitement soit possible; l’importance et la difficulté du diagnostic précoce; modalités de traitement de la petite enfance et sa continuité dans le parcours de soins; attention au moment crucial de l’adolescence de ces enfants; stratégies pour l’âge adulte; travailler avec les parents tout le long du suivi dans chacun des différents âges de la vie.

II. Les difficultés et les risques pour établir ce qui pourrait être une « bonne pratique » dans le travail avec les êtres humains, autistes ou non.

L’utilité, la nécessité et l’importance de certaines procédures de vérification appliquées aux procédés de fabrication et de la production, ou la finition du produit dans le domaine de l’industrie et des domaines similaires de l’activité humaine, n’est pas mise en doute. Par exemple, les déterminations analytiques de la microbiologie, des matériaux inorganiques, etc., dans le processus de préparation de certains aliments, sont des procédures essentielles pour la viabilité de ceux-ci. Si l’on ajoute à cela la mise en place de mécanismes de contrôle pour assurer l’application régulière de ces procédures, nous décrivons un aspect de ce qu’on appelle la gestion de la qualité appliquée à l’industrie alimentaire.

La méthodologie de ces procédures de détermination microbiologique peut être appliquée sans problème à d’autres domaines, par exemple, pour contrôler antisepsie d’une salle d’opération ou du matériel chirurgical d’un hôpital, mais si nous essayons de les appliquer à certains domaines de la santé sociale ou de la pratique éducative, il est tout simplement impossible, inapproprié. Et quand cette impossibilité est forcée, le résultat ne peut être que de la tromperie ou le fraude.

Le forçage dans l’application de la méthodologie propre au discours du contrôle de la qualité et de ses certifications, aux certains procédés des méthodologies de l’intervention sociale, sanitaire et éducative, est la tentative d’éviter, d’esquiver et d’escroquer cette impossibilité inhérente en lien avec l’humain. Et cela depuis le début où il s’agirait de contourner la difficulté même d’établir les critères et les indicateurs par de la pure évaluation.

Cette tendance et ce forçage vers la standardisation qui cherche à être imposée de manière autoritaire, comme étant le seul recours acceptable, dévoile une conception de ce qui veut être évalué et soumit à un contrôle de qualité, d’une conception des relations humaines, du social, de la manière comme ses mouvements surgissent dans le sujet depuis les premiers moments de la vie, dans sa relation à son environnement, à ses semblables et au monde qui l’entoure. Une conception aussi de la condition humaine et de la souffrance humaine.

Les relations humaines ont une différence qualitative fondamentale avec le reste de systèmes de relation que nous connaissons, au sein de chaque espèce et entre différentes espèces, ce trait différentiel est la variabilité, la diversité, la spontanéité et la créativité, la capacité d’improvisation et d’innovation, tous de traits qui reposent précisément dans l’inexacte, dans le désajustement, dans le malentendu structurel propre à notre système de communication : le langage humain dans tout son ampleur et en ce qu’il implique du corps de l’être parlant. Sans ces traits il n’y a pas de l’humain, il y a qu’une machine.

Parler de « bonnes pratiques » dans le travail avec des enfants et des jeunes qui présentent les difficultés liées à ce que qui est communément appelle le TSA, veut dire pour nous, d’opposer une résistance au forçage, effronté et menaçant qui cherche à imposer une pratique dévastatrice qui se désintéresse de tout ce que de la souffrance n’entre pas dans les moules rigides et grossiers dans lesquels on essaie de la ranger, sous les hospices du handicap ou de ce qui dérange. Pour nous au contraire, cela veut dire chercher, actualiser, mettre à l’épreuve et promouvoir les pratiques qui respectent les conditions essentielles dans lesquelles peut se manifester l’humanité, pour que ces dites pratiques, répondent aux difficultés que présentent ces enfants et ces jeunes.

Les organisations et les institutions qui participent à ce séminaire ont développé et mis en pratique depuis quelques décennies, une série de pratiques et orientations qui se sont avérées respectueuses envers la manière si particulière que chaque enfant a de répondre à ses difficultés. Ces pratiques répondent à la fois au traitement des dites difficultés rencontrées et à l’établissement des relations thérapeutiques profitables au travail avec les familles (mères, parents, frères, et grands-pères, parfois), sont également appropriées pour promouvoir l’intérêt au savoir et l’envie d’apprendre chez l’enfant. Elles permettent aussi d’établir et maintenir la relation éducative avec les instituteurs, les éducateurs et avec tout celui qui saura adopter avec eux, une position de savoir ne pas savoir.

La vérification à propos de ce qui est le plus convenable et le meilleur, l’intérêt de sonder comment il est fait, et pour établir comment le faire de la manière la plus correcte et pertinente possible, c’est un intérêt propre à l’humain, aussi propre que la rigueur qui convient à une telle tâche. Cette rigueur devrait pouvoir nous empêcher de prendre certains raccourcis, comme celui de prétendre changer notre pratique dans les institutions, pour une affaire dicté par un protocole. Jacques-Alain Miller (2) signale cette tendance comme la passion nord-américaine du « how to » : « chaque chose dans le monde, chaque activité dans le monde est susceptible d’avoir un » how to « , comment, le faire …, on peut avoir un comment conduire une automobile, mais de là à savoir comment se conduire avec les hommes, avec les femmes, avec les enfants, avec les astres, avec soi-même, avec le corps… » Cette différence, ce pas de plus est celui que nous prenons soin de ne pas forcer, de ne pas escamoter là où le discours de la gestion de la qualité avec sa proposition de formalisation généralisée n’est pas une vérité qui cherche à savoir, mais à s’imposer.

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(1) Voir le travail réalisé dans Antenne 110

(2) Miller, J.A., Structure, développement et histoire. Gelbo. Bogotá 1999.