Forum : Désirs décidés pour la démocratie en Europe

Forum : Désirs décidés pour la démocratie en Europe

Brèves annotations initiales

Vers le Forum “Désirs décidés pour la démocratie en Europe” du 18 Novembre 2017

Le titre du «premier Forum Européen du Champ freudien» qui se déroulera à Turin le 18 Novembre prochain, Désirs décidés pour la démocratie en Europe, proposé par Jacques-Alain Miller sur « Lacan Quotidien » n. 721 du 15 juin dernier, je le lis comme une invitation adressée en particulier aux psychanalystes lacaniens, à ne pas sous-estimer le risque, présent à tout moment, d’oublier la politique de l’acte. Une politique qui caractérise le psychanalyste qui se soumet à l’éthique orientée par le réel du parlêtre, au lieu de se soumettre à la politique de l’Autre. En ce sens, le psychanalyste, dans le cas où il y en ait, est en position contraire à celle du réel du discours capitaliste contemporain. Comme Lacan s’exprime dans la « Note italienne », sortir du discours capitaliste ne vise pas à la ruine du capitalisme, mais plutôt à faire en sorte que « l’analyse continue à faire prime sur le marché ».
Pour moi, « désirs décidés » se réfère à des actes qui permettent à la psychanalyse de continuer à « faire prime sur le marché ». Ils introduisent aussi l’hypothèse d’une démocratie où accueillir les singularités facilite la possibilité de relativiser les plus-de-jouir en série de la société de consommation, faisant place au symptôme porteur de singularité subjective.
Dans le Séminaire L’envers de la psychanalyse, à partir des trois professions impossibles indiquées par Freud – gouverner, éduquer, psychanalyser –, Lacan définit le discours du maître, le discours de l’université et le discours du psychanalyste. Il ajoute ensuite le discours de l’hystérique, dont la fonction est de faire désirer. Dans un second moment il ajoute le discours du capitaliste dont l’objectif se révèle aujourd’hui de faire consommer.
Il est fondamental de considérer que la relation de pouvoir existe depuis toujours, mais pas le discours du maître que nous ne trouvons pas dans les sociétés dites primitives ou mythiques.
Le discours du maître commence dans la Grèce antique, avec la naissance d’un ordre fondé sur le droit et la notion de responsabilité. Il débute avec Œdipe roi, qui devient roi non pas de droit divin ou pour quelque filiation mythique, mais pour avoir vaincu le Sphinx. Œdipe veut résoudre le symptôme social qui terrorise le peuple et ne se rend pas compte d’être lui-même la cause du désastre qui afflige la ville.
Il s’agit de faire fonctionner le discours du maître sans incarner le maître : d’où la nécessité de la Constitution et de l’Etat de droit.
Lacan lui-même nous enseigne que si le discours du maître naît avec Œdipe roi, le discours de l’hystérique naît avec Socrate qui fait fonction d’aiguillon des consciences. Il interroge le maître sur ses actions, le contraint à produire un savoir et ouvre une mise en question de l’autorité. Au-delà de ce que fut la position de Socrate sur la démocratie athénienne, il a été considéré le précurseur des idéaux démocratiques, de l’idéal de liberté et de l’autonomie du sujet.
Tandis que Socrate demande raison au maître, Platon veut réformer le discours du maître en le fondant sur la raison. De la maïeutique au savoir constitué, qui est à la base du discours de l’Université.
Lacan place l’émergence du discours de la science, en tant que production de savoir, au niveau du discours de l’hystérique, qui met en cause l’autorité du maître. Celle-ci ne s’arrête ni devant l’autorité des gouvernants, ni devant l’autorité de l’Eglise. Elle promeut donc des idéaux de liberté, d’autonomie des sujets, de jouissances possibles.
Mais la science produit aussi un savoir qu’elle tend à placer en position de maître. Le vacillement du discours du maître, produit par la science, oscille donc entre la démocratie, comme effet de l’interrogation de l’hystérique, et la technocratie promue par le discours de l’Université.
L’époque dans laquelle naît la science moderne est aussi l’époque où triomphe le mercantilisme. La liberté devient liberté de commerce, de libre-échange, considéré comme la seule voie à suivre pour le gain que chacun y trouve.
Mais l’expérience montre que le libre-échange aboutit à l’injustice, l’échange n’étant jamais égalitaire. En outre, quel libre échange, si de nos jours la réponse à l’immigration de masse est celle de construire, de multiples manières, des murs ?
Où aboutit la démocratie aujourd’hui ? Quel acte peut relativiser la course au profit et à la performance qui met les produits de la science au service du gain de jouissance ?

Rosa Elena Manzetti

Traduction de Brigitte Laffay

La cause de l’Autisme : Pour la défense de la pluralité des approches

Pour la défense de la pluralité des approches, la cause des parents et la voix de l’autiste – Ivan Ruiz

 

Par Ivan Ruiz, président de TEAdir, association des parents et des familles des personnes avec TSA
Audience devant le Comité Enfance du Parlement de Catalogne le 15 novembre 2016.

Monsieur le Président,

Chers membres de la Commission,

En tant que président de l’Association TEAdir, association des parents et des familles des personnes avec autisme, je tiens à vous remercier très sincèrement pour votre invitation à participer à cette audience devant le Comité Enfance du Parlement de Catalogne. Dans le cadre de cette Chambre, pluriel et démocratique, nous souhaitons pouvoir poursuivre un débat soutenu dans le temps.

Je voudrais toutefois tout d’abord commencer mon intervention en exprimant un malaise qui nous habite, et je parle au nom de nombreux parents que je représente aujourd’hui, qui se sentent forcés, poussés dans une confrontation stérile des traitements de l’autisme, ce qui nous éloigne de nos objectifs fondateurs.

L’Association TEAdir a été créée pour faire valoir la nécessité d’une sensibilité différente, dans la compréhension et le traitement de l’autisme, de celle qui a été représentée dans les revendications que l’Association Aprenem a faite au Congrès des députés en 2010.

Nous aimerions penser que leurs demandes ont été faites avec les meilleures intentions : ils réclamaient une amélioration de la prise en charge des personnes atteintes d’autisme. Mais, à notre avis, ils le font de la pire de manières qui soit, c’est à dire en prévoyant cette amélioration à partir d’une approche unique, soutenue par l’administration, à savoir le comportementalisme. Le positionnement de l’organisation que je représente est tout autre, et l’invitation à parler ici aujourd’hui – de mon double rôle de père et de professionnel – me permet de vous l’exposer.

  1. L’action politique en termes d’autisme

Nous croyons fermement que l’offre publique de soins pour les personnes avec autisme et leurs familles, est une question qui doit être réglée par l’administration et non par les professionnels qui sont impliqués directement dans la prise en charge des difficultés qu’une personne autiste traverse tout au long de sa vie. Comme le dit le sociologue Marcel Gauchet, « la politique est le lieu d’une fracture de la vérité. » En ce qui concerne l’autisme, ni les parents, ni les professionnels, ni les politiciens, ne sont en mesure de pouvoir affirmer des vérités absolues.

  1. Un lieu de connaissances professionnelles

Dans le débat sur l’autisme en Catalogne, au cours des dernières années, il y a eu un glissement qui nous inquiète. Nous sommes passés de ce qui devrait être une amélioration de la prise en charge des enfants autistes, à une bataille pour le traitement « le plus efficace ». Nous avons entendu des positions qui tombent dans l’exercice d’un excès de pouvoir. Bien que nous les parents pouvons apporter notre expérience au jour le jour, et au fil des années avec nos enfants, il ne nous appartient ni de développer un savoir épistémique, ni de contribuer à des consensus professionnels. Nous avons été poussés à intervenir dans un débat professionnel qui ne nous appartient pas. Nous pensons que cela ne mènera nulle part. Si nous voulons être entendus en tant que parents, nous sommes maintenant contraints de participer à ce débat.

  1. L’attaque contre la psychanalyse

Bien que la Catalogne a depuis 2012, un Plan global sur l’autisme, qui a émergé du consensus d’un large éventail de professionnels et du travail conjoint avec le ministère de l’Éducation, de la Santé et de la Protection sociale, on continue à remettre en question la formation et l’exercice de certains professionnels travaillant dans le secteur public. L’association Aprenem autisme, que vous entendrez plus tard, croit avoir trouvé la cause des maux de notre système public : les psychanalystes. Ils les désignent comme étant à l’origine du manque d’amélioration des enfants avec autisme et proposent pour y remédier, les techniques comportementales comme étant les seules scientifiquement acceptables.

  1. Les preuves scientifiques

La foi dans la science, qui est appelé scientisme, est en train de rendre un mauvais service au développement, lent mais régulier, de la communauté scientifique internationale dans le domaine de l’autisme. La très vénérée « preuve scientifique » a été prise par certains, comme le flambeau de leurs revendications, au point de dénaturer et de fabriquer ces preuves présumées, qui n’ont pas pu encore être réfutées ni confirmées. La méthode comportementaliste ABA (Applied behavior analysis), développée aux États-Unis dans les années 60 par Lovaas, a été dénoncée par les usagers et leurs familles, en raison de leurs agissements douteux du point de vue de l’éthique. Les méthodes basées sur l’ABA ont montré une efficacité limitée dans des contextes très spécifiques et ciblées sur certains comportements également très spécifiques. Aucune généralisation de cela n’a jusqu’à présent été démontrée sur la personne autiste. Et s’il s’agit des preuves, au pluriel, nous comptons des études montrant les résultats obtenus par la psychanalyse et par d’autres approches thérapeutiques. La foi aveugle actuelle, envers les « preuves scientifiques », révèle une alliance féroce entre la science et des intérêts du marché, contre les expériences singulières.

Nous, parents d’enfants autistes, vivons tous les jours, et tout au long de notre vie, avec l’autisme de nos enfants, et nous ne croyons pas qu’il y ait aucun autre évidence que celle que nous pouvons vérifier chez nos enfants, à savoir l’importance de l’attention portée à la singularité de leur être au monde. La preuve que nous vous demandons aujourd’hui de considérer n’est autre que celle de l’évidence de notre témoignage. Nous vous demandons aujourd’hui de prendre en considération notre témoignage, ainsi que celui de nos enfants.

  1. Le droit à la liberté de la formation

Notre pays compte avec une variété de professionnels impliqués, qui à partir de leurs connaissances, interviennent lors de divers moments et situations que traverse une personne autiste. Ces professionnels ont gardé jusqu’à aujourd’hui le droit de se former de la manière qu’ils jugeaient la plus appropriée devant le défi que suppose l’approche de l’autisme d’un enfant, d’un adolescent ou d’un adulte, et ceci en fonction de leur propre éthique. Nous demandons que ce droit ne soit pas violé, ni ébranlé, car nous avons besoin de l’implication soutenue et éclairée de ces professionnels. Ils contribuent, toujours avec pertinence et respect, à l’élaboration du projet de vie de nos enfants. Ils représentent pour nous, parents d’enfants autistes, un soutien solide et nous avons besoin d’eux, à chaque étape de la vie de nos enfants.

  1. Pluralité des approches dans l’autisme

Le domaine de la prise en charge précoce est actuellement au cœur des politiques de santé.

Nous comptons en Catalogne avec un réseau de Centres de prise en charge précoce sans équivalent dans le reste de l’Etat.

C’est dans ces lieux de soin que le moment délicat de l’annonce du diagnostic d’autisme est accompagné.

L’autisme se découvre et se cristallise au cours des premiers mois et années de vie de l’enfant. Il n’est pas habituel d’assister à l’apparition progressive des symptômes. Il y a plutôt, presque toujours, une irruption soudaine d’un rejet généralisé de l’enfant envers l’autre. Les interventions qui seront faites, devront être dirigées de façon à aider l’enfant à entrer dans le lien à l’autre, mais surtout, et cela est ce que nous apprécions le plus, en respectant son temps et sa temporalité.

Ce réseau de centres multidisciplinaires et pluriels de par la formation des professionnels qui les composent, a récemment été décrié par la présence excessive alléguée de psychanalystes. Je tiens à préciser devant ce comité que dans aucun de ces lieux, ils n’y travaillent en tant que tels. Par contre, vous pouvez trouver différents professionnels qui s’orientent de la psychanalyse pour faire face aux difficultés des enfants atteints d’autisme, mais aussi d’autres qui suivent par exemple, les méthodes cognitivo-comportementales. Dans tous les cas, vous ne trouverez pas une prédominance d’une approche plus que d’une autre. D’où provient alors la propagation de l’idée qu’il existerait une prédominance de l’approche psychanalytique dans les soins précoces ? Nous croyons que le respect et l’attention donnée à l’enfant en tant que sujet au cours de sa construction, est ce qui fait que les interventions de ces professionnels restent empreintes d’une attitude d’écoute et d’accompagnement. Cela est pour sûr, une priorité dans l’approche psychanalytique, mais cela nous semble ne pas lui être une exclusivité. Nous constatons dès lors qu’un malentendu a pris la forme d’une attaque basée sur la présomption d’un dysfonctionnement du système.

  1. L’autisme et l’éducation

En ce qui concerne l’éducation, la situation dans les écoles se détériore. L’inclusion éducative est passée d’être un droit pour tous les enfants à être une obligation. Cette inclusion imposée des enfants autistes est difficile compte tenu de leur vulnérabilité et de la fragilité qui les caractérise par rapport à la demande des adultes. Nous attendons le nouveau décret sur l’inclusion annoncé par le Gouvernement de Catalogne, mais nous nous demandons : De quoi parlons-nous quand nous parlons d’inclusion ? S’agit-il seulement de l’inclusion de l’enfant dans un bâtiment donné reconnu comme étant ordinaire – « normal » comme on dit –, ou plutôt de l’inclusion de l’enfant dans le lien avec les autres? N’est-ce pas cela qui est également attendu des enfants dans les centres spéciaux ou spécifiques qui existent dans notre réseau de lieux d’accueil publics? Les écoles appelées « spéciales » sont pour certains enfants autistes, la meilleure ressource et opportunité pour se construire un environnement au sein duquel il ne leur soit pas nécessaire de se montrer réfractaires.

D’une part, nous considérons que la diversité des parcours parmi les différentes institutions éducatives devrait être aussi riche et diversifiée afin que les enfants qui sont dans l’impossibilité d’être inclus dans les classes ordinaires puissent le faire dans d’autres Centres. Ceci est ce qui existe à l’heure actuelle et nous ne pouvons pas le perdre.

D’autre part, il convient de noter l’erreur évidente qui serait de faire porter sur l’école ordinaire la responsabilité du traitement de l’autisme. Le travail de coordination en réseau des différents services concernés, est ce qui se révèle être de plus en plus avantageux, pour localiser également l’enfant autiste comme protagoniste du processus éducatif.

Sans aucun doute, la crise économique actuelle a laissé des nombreuses écoles sans les ressources suffisantes, mais surtout, a nui à la confiance dans ce que les équipes éducatives font : accueillir et favoriser l’émergence du consentement à être éduqué chez l’enfant avec autisme.

L’autisme nous confronte à une irréductible singularité. Chaque enfant autiste l’est à sa manière. Si cela est vrai pour tout être humain, ça l’est davantage encore dans le cas de l’autisme. Impossible de traiter tous les autistes de la même manière. C’est une vérité toujours ainsi vécue par les parents, les éducateurs, les enseignants et les thérapeutes. Par conséquent, aucun traitement, aucun projet éducatif, qui commence à partir d’un « pour tous les autistes, la même chose », ne peut recevoir notre confiance. Nous demandons donc clairement que les praticiens qui s’orientent de la psychanalyse puissent continuer de travailler et d’accompagner nos enfants dans les différentes institutions de soins de notre pays. Cela représente pour nous un droit fondamental.

  1. La rééducation

Les enfants autistes réveillent chez les adultes un désir de restituer à l’enfant tout ce qui est interprété par eux comme ce qui leur manque : manque de parole, d’attention, d’intérêts, d’obéissance, etc. Cette réponse de l’adulte oublie souvent que ce que l’enfant autiste ne fait pas en empruntant les chemins standardisés, il y est suppléé d’une autre façon. Les techniques de rééducation, qui sont aujourd’hui exigées pour tous les autistes, négligent cela et demandent à l’autiste qu’il réponde aux idéaux des adultes « normaux » qui l’entourent. Elles prétendent apprendre à l’autiste à ne pas être autiste. C’est comme si ces techniques cherchaient à apprendre aux aveugles à voir en les soumettant à des images, au lieu de les aider à développer leurs autres sens.

Chers membres de la Commission de l’Enfance, ce que nous souhaitons vous transmettre, à partir de ces huit points, est un argument en réponse à l’attaque à laquelle nous sommes confrontés ces dernières années. Cette attaque vise les piliers fondamentaux de notre société catalane. Cette société a réussi à tisser un réseau de soins dans l’éducation publique ainsi que dans le tissu social et associatif qui s’est construit pendant des décennies de démocratie.

La volonté d’ingérence dans les modèles publics ne devrait pas être exercée sans un dialogue et un consensus. Toute intervention unilatérale ne pourra provoquer qu’une opposition. Il est important de se méfier d’un collectif de parents qui s’érige en unique porte-parole d’une cause, fusse-t-elle légitime.

Je voudrais maintenant vous parler d’Hector, mon fils. Lorsque nous avons constaté que les choses n’allaient pas comme elles auraient dû aller, il avait presque deux ans. Je me souviens très bien de la première psychologue d’un service public que nous avions contactée. Lors de cette première visite, elle nous avait annoncé qu’elle ferait passer à notre fils un des tests qui sont utilisés occasionnellement pour savoir s’il s’agit d’autisme. Elle sortit alors un livre de sa boîte et le lui donna. Elle nous dit vouloir évaluer la façon dont il manipulait les objets. Hector le prit avec les deux mains et tourna immédiatement les rabats du livre, mais en sens inverse, jusqu’à ce qu’il obtienne un son, un « crac » en forçant sur le dos du livre. Ensuite la psychologue, très sûre d’elle, a rempli la case correspondante du test, en nous faisant savoir qu’Hector ne manipulait pas correctement les objets.

Aujourd’hui, Hector a presque onze ans. Au-delà des difficultés actuelles que je n’aborderai pas ici, il est maintenant passionné de musique, tout particulièrement les Variations Goldbergde Bach, surtout la première version que Glenn Gould fit dans les années 1956. Hector a l’oreille absolue, joue du piano, mais extrait également des sons de toutes sortes d’objets. Il enregistre dans son iPad ses propres compositions improvisées, en synchronisant, par exemple, les sons d’un clavier, le bruit frénétique produit par un verre qui tourne, et le bruit de la chasse d’eau des toilettes. Ses compositions sont faites dans un style qui rappelle l’expérimentation musicale infantile de musiciens contemporains célèbres, comme Robert Gerhard ou Oliver Messiaen. Nous ne doutons plus aujourd’hui que son intérêt pour la musique, les sons, les bruits, le silence, lui vienne de ce premier objet d’intérêt : l’objet sonore. Loin de sous-estimer sa première activité qui était d’extraire le bruit des livres ou des anneaux en les faisant tourner, le travail qu’il débuta ensuite auprès de la psychanalyste qui le reçoit encore jusqu’aujourd’hui, est ce qui lui a permis d’aller au-delà de son autisme, au-delà de ce qui au départ commença comme une répétition ad libitum,comme une obsession stérile, diraient certains, d’aller au-delà d’un comportement qui avait été enregistré dans ce test comme un dysfonctionnement. Je pense que si nous avions accepté la proposition comportementaliste de modifier ses comportements « inutiles », nous aurions sérieusement entravé sa recherche et son invention si singulière.

Par ailleurs, les livres qu’il aime le plus en ce moment sont ceux qui contiennent un grand nombre de pages. Hector les utilise pour pouvoir suivre la numérotation des pages et prononcer leur numéro en espagnol, catalan et anglais. Maintenant, il a appris à lire et à écrire d’une manière qui est très liée aux sons des mots qui désignent les nombres et les lettres. Le centre dans lequel il est scolarisé, qui a su favoriser tous ces progrès, sait bien qu’il est essentiel de respecter le plaisir qu’il obtient à partir de cette exploration et qu’il est important de ne pas chercher à en faire un apprentissage formel. C’est une condition incontournable pour qu’il puisse continuer à soutenir son intérêt.

Pour conclure, je voudrais expliquer quelque chose que, depuis notre association TEAdir, nous apprenons des enfants atteints d’autisme. Donna Williams, que nous connaissons à travers ses témoignages publiés, fait référence à son expérience comme autiste en disant que, pendant son enfance, elle se débattait dans une lutte constante pour, d’une part maintenir le monde extérieur loin d’elle, et d’autre part chercher à l’atteindre. Ceci est la vraie bataille que mène chaque enfant autiste, en se débattant contre ce qui peut devenir inquiétant, que ce soit le trop de paroles ou au contraire le silence. Nous considérons l’autisme comme le gel d’un enfant juste avant le moment de son entrée dans la parole et dans le lien avec l’autre. C’est à ce moment précis qu’il s’arrête, s’en protégeant à travers l’installation de circuits restreints à partir desquels il obtient une satisfaction qui lui est absolument précieuse, nécessaire. Nous comprenons ainsi l’allusion du psychanalyste Jacques Lacan faisant de l’autisme le stade natif de tout sujet. Pour entrer dans le champ de l’autre, l’enfant doit consentir à perdre quelque chose. Lorsque cela n’advient pas, se déchaîne la symptomatologie dite autistique qui place les parents face à une énigme qui ne peut pas être résolue avec des propositions standardisées.

Un enfant autiste est d’abord et avant tout un enfant, qui est immergé dans deux processus très complexes :

  1. Se protéger de la présence des autres, qu’il ressent comme agents d’une exigence à renoncer à ses objets, à ses circuits et à ses façons d’obtenir à travers eux une constante satisfaction.
  2. Éloigner les adultes de tout ce qui peut lui servir à construire sa version propre de la façon dont doit fonctionner le monde autour de lui. Cette construction, souvent invisible aux yeux des adultes et étrange au sens commun, devient vite son centre d’intérêt, mais aussi une source à partir de laquelle extraire un sentiment de vie.

Si la psychanalyse nous a permis de pouvoir saisir la singularité de nos enfants au sein de leur autisme, c’est parce que les professionnels qui s’orientent de cette approche, – des psychologues très certainement, mais aussi des orthophonistes, des physiothérapeutes, des psychomotriciens, des pédiatres, des enseignants, des éducateurs musicothérapeutes, entre autres, – restent particulièrement attentifs à la façon dont un enfant autiste extrait a minima un sens à la vie. N’est-ce pas ce à quoi aspire n’importe qui parmi nous ?

Enfin, nous défendons l’idée que l’attention portée à l’autisme ne peut être autre que globale et multidisciplinaire :

– La globalité implique que l’aide apportée à l’enfant de façon ambulatoire ne suffit pas. L’attention doit également inclure l’accompagnement des familles, l’adaptation du milieu scolaire aux besoins spécifiques de l’enfant, et l’adéquation des espaces de loisirs. C’est de fait, le modèle promu par la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

– Une approche multidisciplinaire devient dès lors essentielle pour répondre aux divers besoins de la personne tout au long de sa vie. Au-delà des approches, des techniques ou des traitements, au-delà des soins aux personnes, promus par les directives européennes en vigueur, nous devons répondre aux problématiques, complexes dans certains cas, qui surviennent surtout lorsque le sujet entre dans la puberté et l’âge adulte.

Nous sommes conscients que ceci n’est pas l’objet de cette Commission. Nous avons à traiter, – administrations, professionnels, politiciens et familles –, une question beaucoup plus urgente. Que des adultes avec autisme, ou avec un trouble mental sévère, également certains adolescents avec un diagnostic d’autisme, tous déjà évalués par la CAO (Service d’évaluation et d’orientation pour les personnes handicapées), qui a été favorable au service résidentiel au vu de leur impossibilité réelle à vivre et à être soutenus par leurs familles, se voient refuser ressources et aides aux soins par les services sociaux et de santé, du simple fait d’avoir atteint l’âge de la majorité. Je veux ici mentionner de façon spécifique certains des jeunes qui accompagnent notre association et qui sont dans cette situation : Alex Peña, Roman Pise et Carlos Lozano.

Dans notre association, nous sommes témoins de situations d’urgence auxquelles sont confrontées certaines familles. Face aux crises sévères de leurs enfants, il ne leur reste qu’un seul moyen pour y faire face : l’hospitalisation. De plus elles doivent obéir à l’exigence supplémentaire de leur présence obligatoire pendant toute la durée de l’admission. Admission qui se fait d’ailleurs dans une absence totale d’approche thérapeutique, avec des prescriptions de fortes doses de médicaments, avec aussi un système de contention pour maintenir attachés le jeune pendant les périodes de crise les plus aiguës.

Les enfants autistes sont au centre d’une lutte acharnée, dans laquelle des intérêts de toutes sortes sont liés. Mais nous avons devant nous une réalité que nous ne pouvons pas ignorer : quels modèles de soins pouvons-nous offrir aujourd’hui aux adolescents et aux adultes qui n’ont pas trouvé une solution efficace pour donner un minimum de sens à leur vie ?

En tant qu’Association TEAdir, nous vous demandons donc:

  1. De promouvoir le débat d’idées autour de l’autisme.
  2. D’accueillir et recenser les différentes positions sensibles autour de cette question si complexe.
  3. De protéger les droits fondamentaux de l’exercice de nos professionnels et de la formation professionnelle qu’ils choisiront librement.
  4. De demander leur déclaration explicite aux divers groupes des professionnels concernés, ainsi qu’aux différentes écoles de psychanalyse, concernant la formation de leurs professionnels et l’éthique de leur pratique.
  5. De répondre aux diverses demandes des associations qui sont représentées aujourd’hui et d’autres qui travaillent ardemment pour l’amélioration de l’autisme de ses adhérents.

Nous défendons la pluralité des approches et le droit démocratique des parents à choisir le type de traitement qu’ils jugent le plus approprié pour leurs enfants. C’est notre cause en tant que parents. Tout ce que nous dirons de l’autisme de nos enfants, sera issu de notre propre interprétation. Les enfants autistes ont une relation directe avec l’ineffable, et c’est à vous et à nous qu’il appartient d’y répondre.

Ivan Ruiz, président de TEAdir

Traduction : Marina Alba de Luna

Mental n°26 – Comment la psychanalyse opère

Mental n°26 – Comment la psychanalyse opère

Éditorial

Ce qu’une psychanalyse peut produire

N. Wülfing Prélude. A quoi une analyse est-elle susceptible de mener ? …………………………………….. 11

L. Gorostiza La jouissance et ses météores …………………………… 13

A. Lysy Introduction. Comment peut se vivre la pulsion après avoir fait une analyse ?………………. 23

P. Bosquin-Caroz Vertigo …………………………………………………………… 27

G. Briole Regards …………………………………………………………. 31

S. Chiriaco Forcer son «je-n’en-veux-rien-savoir» ………………… 35

P. Bosquin-Caroz, P.-G. Guéguen, L. Gorostiza, G. Briole, A. Lysy, S. Chiriaco Discussion et débat ……………………………………………. 39

 

Doctrine

J.-A. Miller Lire un symptôme…………………………………………… 49

 

Pratiques analytiques

O. Alexandrova «Je n’aime pas les psychologues !» …………………….. 61

D. Avdelidi La bourse ou la vie ! ………………………………………… 65

V. Banova Pourquoi les dragons habitent si loin ? ………………. 69

A. Béraud Le moteur et l’ogre ………………………………………….. 73

R. Blanchet L’expérience de la jouissance perverse mise au travail analytique …………………………………. 77

A. Chojnowska Un triangle ……………………………………………………… 81

S. Cisternas Salut ! Je suis là ! …………………………………………….. 85

G. Fountoulaki La psychanalyse, ça réveille du cauchemar des identifications ………………………. 89

N. Georges Aliénation, séparation, reste ……………………………… 93

Ph. Grisar ( Dé- ) Branchement dans la psychose, traitement d’un enfant de onze ans ……………………. 97

C. Iddan Le «percé» du chaudron. De l’acte manqué à l’opération analytique ………………………. 101

H. Pepeli Une rencontre analytique ………………………………… 105

A. Pigkou La pantomime de Mélitée ………………………………… 109

B. Premazzi Mortification d’une femme ………………………………. 113

F. Rollier Le filtre du transfert ……………………………………….. 117

J. Rostron Quelque chose manque …………………………………… 121

A. Rowan Une première mutation de jouissance ……………….. 125

F. F .C . Shanahan En moi, plus que moi ………………………………………. 129

S. Sharon-Zisser Résistance au travail ………………………………………… 133

E. Theodoridis Une opération contre une autre ………………………… 137

G. Van Den Hoven Le symptôme à l’ère des idéaux jetables …………….. 141

L. Vander Vennet Des mots qui frappent ……………………………………… 147

S. Vanheule Un cas révolutionnaire …………………………………….. 151

D. Vergetis Faire taire une voix de malédiction …………………….. 155

I. Verigaki Je ne veux pas me séparer de mon angoisse ………………………………………………. 159

V. Woollard «Ne crie pas !» ………………………………………………….. 163

N.Wülfing Aujourd’hui, l’analysant nous apprend comment la psychanalyse opère …………………………. 167

Le contrôle (supervision)

G. Briole Le contrôle : «une savante imprécision» ……………… 175

S. Chiriaco Nouage …………………………………………………………… 179

B. Seynhaeve L’espace singulier du contrôle ………………………….. 185

 

Divertissement

M. Amirault L’aliéniste, chronique ironique ………………………….. 191

Après l’enfance. Autisme et politique

Après l’enfance. Autisme et politique

Conversations autour du Forum et sa politique – Neus Carbonell et Iván Ruiz

Après l’enfance. Autisme et politique
Forum internacional sur l’autism
7 de avril 2018, Barcelone, Espagne.

IVÁN RUIZ: Pour le 3ème Forum Autisme organisé par l’Ecole lacanienne de Psychanalyse (ELP), nous avons choisi un thème fondamentalement politique: Que deviennent les autistes au-delà de l’enfance, à l’adolescence, à l’âge adulte?

NEUS CARBONNEL: En fait, c’est une question fondamentalement politique, bien qu’elle puisse sembler d’une autre nature. Elle est d’abord politique, car elle met en évidence les processus de ségrégation au cœur de notre société. Ainsi, il est courant de trouver des programmes et des ressources pour les enfants qui ont reçu un diagnostic d’autisme. En fait, nous constatons que l’intérêt pour l’autisme pendant l’enfance ne cesse de grandir. Cependant, lorsque ces personnes atteignent l’adolescence, et certainement à l’âge adulte, il n’y a pas de discours qui les accueille. Ce qui implique que ce que la société peut offrir à ces personnes et à leurs familles est franchement limité.

Le diagnostic, les programmes qui existent, les ressources, la présence sociale se réfèrent presque exclusivement à l’enfance. Alors, quand et où parlons-nous de l’autisme à l’âge adulte ? Par conséquent, notre forum veut répondre exactement à la question que vous vous posez : ce qui se passe avec l’autisme au-delà de l’enfance. Nous avons quelques idées à partir desquelles nous proposerons un programme, mais nous espérons que ce forum nous permettra tous ensemble de répondre à cette question sous de multiples angles. Par exemple, du point de vue du diagnostic, des médicaments, de la clinique, des ressources sociales, bref, des projets de vie existants que la société est capable d’offrir à ces sujets et à leurs familles. Toutes ces questions sont politiques parce qu’elles mettent en avant le modèle de société que nous voulons. Elles ont trait à l’éthique, à la loi, à la distribution des ressources.

NEUS: Nous avons soulevé une première question: L’autisme infantile est défini en psychiatrie en suivant les manuels plus utilisés comme le DSM, à partir de certains items, de sorte que l’autisme est donc diagnostiqué à partir de tests. Cependant, je ne suis pas sûre, en ce qui concerne l’autisme, que ces tests puissent être mis en œuvre après la puberté. Qu’en penses-tu? Quels changements introduit la puberté qui modifie la définition de l’autisme dans l’enfance?

IVÁN: C’est vrai, la puberté fait exploser les meilleures volontés de ceux qui paraissaient pouvoir être inclus, insérés dans un test fiable de TSA, même chez ceux qui avaient été diagnostiqués autistes. Je dirais plus, la puberté dans l’autisme est souvent prégnante pour les professionnels mais surtout l’est pour les familles. Ce qui pouvait aider cet enfant, si ça fonctionnait avant, ça ne fonctionne plus maintenant. Face à cela, l’insistance et acharnement de l’adulte échouent. Il faut alors inventer d’autres manières.

Les tests de diagnostic sont conçus sur la base d’une idée de la normalité, de ce qu’est un enfant « normal », un enfant qui devrait devenir un adulte à part entière. Lorsque le passage à travers la puberté rend évident que le noyau autistique qui résiste chez cet adolescent ne semble déjà plus modifiable, alors les idéaux du futur chutent, les attentes sont réduites et nous ne pouvons plus regarder ailleurs, l’ignorer.

Il est vrai  que certains adolescents autistes ont conquis une stabilité qui leur permet de faire face, par exemple, aux changements de leur corps, à leur image et à leur façon d’obtenir satisfaction. Mais pour d’autres, cependant, tout cela échoue encore et encore, ou leur façon de faire sans identification à une image de l’adolescence est insupportable pour les adultes qui sont avec eux.

NEUS: Jean-Pierre Rouillon (CTRN de Nonette) faisait justement remarquer, dans une conférence qu’il a donnée cette année à Barcelone, que la sexualité est la façon dont certains humains traitent l’irruption de plaisir dans leur corps. Que cela est un des éclatements de la puberté. Les personnes autistes sont des sujets qui n’ont pas à proprement dire, une « sexualité » pour faire face à ce plaisir qui fait irruption et certains sujets doivent alors recourir à d’autres façons de traiter cela. Cette façon de poser la question est franchement intéressante. Tout d’abord, prendre la perspective de la jouissance suppose de partir de l’idée qu’il n’y a pas une  forme de jouissance meilleure que d’autres. Donc, l’autiste n’est pas en déficit devant une supposée normalité. Mais en tout cas, c’est plus difficile pour lui, puisqu’il ne peut pas recourir à des solutions de prêt-à-porter et qu’il lui faut en construise une sur mesure. Demandez ce qui se passe au sujet de la puberté ? Les difficultés de la vie dans un corps qui exige à être satisfait ? Il faut comprendre qu’il n’y a pas moyen d’atteindre l’âge adulte avec une certaine stabilité si l’autiste n’a pas trouvé un moyen de faire avec cela, de faire avec le monde de manière assez cohérente qui lui permette d’avoir de quoi et où se soutenir. Par conséquent, à ce stade, les crises subjectives peuvent vraiment être dévastatrices. Ici aussi nous pouvons voir pourquoi ces gars-là qui avaient été plus ou moins réceptifs dans l’enfance aux techniques rééducatives, peuvent entrer dans des crises graves, étant donné que ces techniques ne leur servent pas à faire face à ce qui se passe dans leurs corps.

IVÁN: C’est un problème fondamental car, pour beaucoup d’adolescents, les techniques de rééducation ne peuvent pas être appliquées sans coercition. Il y a une volonté de fer à vouloir remplacer les comportements « inadéquats » que l’enfant a, par ceux que l’adulte veut qu’il aie. Il n’est pas possible de penser que le sujet peut s’approprier les ressources que l’adulte lui offre, si on l’oblige à le faire. En s’opposant, il se défend face à cet écrasement. Mais il y a autre chose. En admettant que la réduction et l’imposition de l’adulte sur le sujet fassent ipso-facto disparaître sa position défensive, comme tout serait plus facile s’il pouvait alors accepter l’adulte comme un point de référence dans le monde… Hélas ! Le problème est que la personne autiste incorpore une réponse défensive à ce qui lui arrive dans le corps, s’infligeant par exemple la douleur sur celui-ci, et la généralise à toute imposition qui vient des gens autour de lui (l’annonce de l’achèvement d’une activité), de l’environnement (le soleil) ou de votre propre corps (la sensation de faim ou un mal de ventre), pour mentionner quelques situations courantes. Compte tenu de cela, notre marge pour les aider est réduite. Et ce qui est certain, c’est que plus il y aura d’imposition de la part de l’adulte, plus l’autiste s’auto-imposera cette douleur sur son corps.

NEUS: Je veux ajouter encore plus. Alors que les inventions que le sujet peut réaliser sont fondamentales, nous ne pouvons pas oublier que ces solutions peuvent être aux yeux des autres assez modestes, et même les plus incompréhensibles au bon sens. Nous devrions toujours garder à l’esprit que lorsque nous désignons l’invention, nous ne pouvons pas nous référer uniquement à ceux qui jouissent d’un prestige social, par exemple l’autiste qui parvient à devenir un bon musicien. Parfois, leurs inventions sont des plus étranges : le garçon qui se soutient par des questions impossibles à répondre et insistantes, ou celui qui s’accompagne des affiches et de la musique des films de Disney. De plus, les solutions trouvées ne sont jamais définitives. Elles n’atteignent jamais la valeur d’une métaphore du corps qu’elles éprouvent. C’est pourquoi elles doivent être répétées à maintes reprises, ce qui implique que ceux qui accompagnent l’autiste doivent être disposés à la répétition inlassable et jamais définitive de la solution que l’autiste semble avoir trouvée, qui reste parfois, extraordinairement fragile.

IVÁN: Ce n’est pas la moindre des choses que tu abordes-là ! Il est très important de le souligner.

NEUS: Oui. Cela implique que pour ces sujets, il doit y avoir des partenaires qui sont disposés à les accompagner. Cela n’est possible que grâce à un travail clinique très cohérent. Il n’est pas sûr du tout que cela soit garanti pour eux. Pour cette raison, trop souvent, le traitement chimique vient à la place, pour couvrir l’échec des traitements imposés  et l’agressivité des adultes envers ces sujets – entendue dans certaines institutions, en particulier résidentielles – en réponse à ce qu’ils ne peuvent pas supporter, ni eux ni la direction clinique de l’institution.

IVÁN: Justement, nous souhaitons discuter de la question de l’agressivité dans ce forum. Pour cette raison, nous croyons également que c’est un forum fondamentalement politique. L’âge adulte soulève quelques difficultés qui sont incluses dans la Convention sur les Droits des personnes handicapées, approuvée par l’ONU en 2006. Il a été reconnu l’importance de donner à ces personnes « la possibilité de participer activement aux processus de prise de décision, sur les politiques et les programmes, y compris ceux qui les concernent directement ».  Dans le cas de sujets chez lesquels leur autisme les empêche de revendiquer ce droit, comment valorisons-nous ce qui est le mieux pour un adulte autiste non-verbal si ses modes de réponse ne sont pas souvent ce que nous sommes capables d’écouter?

NEUS: Qu’attendons-nous de ce forum?

IVÁN: Avec ce Forum, nous cherchons à rendre visible une réalité qui désespère et dépasse les familles, qui met les institutions et les professionnels qui y travaillent face au mur, et qui est dans l’actualité, politiquement, sans formalisation. Nous voulons donner la parole à l’angoisse, qui n’a pas actuellement de moyens de traitement, pour se dire. Et convoquer nos politiques pour prendre la mesure de ce qui est en jeu et de ce qu’il reste à faire.

Les psychanalystes sont en mesure de développer un discours sur ce qui se passe au-delà du diagnostic de l’autisme, qui est si fréquent de nos jours. Une fois que le sujet autiste a traversé la puberté ou atteint l’âge adulte, cela peut prendre différentes formes pour y répondre, à son autisme, à son être autiste – comme je t’ai entendu le dire une fois, au sujet du syndrome d’Asperger – dans l’autisme, ou  dans la schizophrénie, ou dans la déficience cognitive aussi, en bref, dans le mode de stabilisation opéré par chaque sujet.

Nous aurons la présence de psychanalystes du monde entier, membres de l’Association mondiale de psychanalyse, ainsi que de professionnels qui soutiennent leur travail dans le domaine de l’éducation, de la santé mentale, des institutions de jour et résidentielles, et des  familles. Qui connaissent de première main les limites auxquels l’adolescent ou adulte autiste est confronté.

 

TRADUCTION: MARIANA ALBA DE LUNA

REVISION: MIREILLE BATTUT

Mental n°25 – Psychanalyse, science et scientisme.

Mental n°25 – Psychanalyse, science et scientisme.

SOMMAIRE MENTAL 25

Éditorial.

 

Psychanalyse et épistémologie

Jacques-Alain Miller La psychanalyse, sa place parmi les sciences

François Regnault La preuve en psychanalyse

Guy Briole L’erreur et le malentendu

 

Science et psychanalyse

Jacques-Alain Miller Du neurone au noeud

Miquel Bassols « Il n’y a pas de science du réel »

Marco Focchi Le nombre dans la science et dans la psychanalyse

Alfredo Zenoni Un réel post scientifique

Pierre Skriabine La science, le sujet et la psychanalyse

 

Le savant et l’analyste

Éric Laurent De la scientificité à l’analyse de la position du savant

François Ansermet Éloge de l’incommensurable

 

Le désir de savoir freudien

Vicente Palomera Notre monnaie

Christiane Alberti Freud et l’occulte

 

L’EuroFédération de Psychanalyse et Mental

Gil Caroz Sur l’EuroFédération

Yves Vanderveken Mental – Programme

 

Premier Congrès Européen de Psychanalyse – PIPOL 5

Gil Caroz La santé mentale existe-t-elle ?